Introduction
Notre volonté de partir faire un stage au Québec était avant tout motivée par le fait que les physiothérapeutes avaient un accès facilité à la recherche, contrairement à la France. Le but premier de notre stage était donc de découvrir comment se déroulait ce processus dans le domaine de la kinésithérapie, et aussi comment l’intégrer à notre pratique courante en France par la suite. En effet, peu de kinés peuvent se vanter d’avoir suivi des cours suffisamment avancés leurs permettant de lire et d’analyser correctement des articles scientifiques, et sans doute que ceux ayant suivi des cours donnés par des professeurs-chercheurs sont encore moins nombreux. Si l’on rajoute à cela le fait qu’une recherche, quel que soit le domaine peut être chronophage, que les articles ne sont pas toujours disponibles gratuitement (encore faut-il savoir où chercher!), et qu’en plus, il faut comprendre l’anglais scientifique, là on ne s’en sort plus !
Pour l’anglais, nous ne pouvons pas faire grand-chose, mais pour le reste nous allons essayer de clarifier quelques points, tout en gardant en tête que loin d’être des pros de la recherche (il aurait fallu pour cela faire une maîtrise et conduire un projet de A à Z) nous pouvons peut-être donner quelques éléments qui permettraient à certains d’y voir plus clair dans ce vaste monde physio-anglo-numérique. Le domaine des connaissances médicales et para-médicales est en perpétuelle évolution, et paradoxalement certains semblent croire que les acquis obtenus durant les études le resteront pendant toute leur vie professionnelle. C’est certes confortable, mais totalement illusoire et dénué d’intérêt, tant sur le plan professionnel que personnel. Nous espérons donc que cet article, surfant sur la vague des étudiants et nouveaux kinés de plus en plus avides de connaissances éclairées, pourront en aider certains à mener à bien leurs investigations. Nous allons le publier en plusieurs parties, où chacune d’entre elles tentera d’apporter un maximum d’informations sur des points précis directement reliés au processus de transfert et d’échange des connaissances (knowledge transfer) entre les différents acteurs de la recherche et de la pratique clinique [1].
Mais pour commencer, pourquoi est-il nécessaire de s’intéresser à la littérature scientifique?
L'evidence based medicine, c'est quoi?
L’evidence based medicine (EBM) ou médecine basée sur les preuves, est un principe apparu il y a déjà longtemps, mais dont l’évolution réelle est récente [1]. Elle désigne le concept selon lequel on doit, pour appliquer le meilleur traitement possible et le plus adapté à son patient, allier à la fois son expérience professionnelle en tant que clinicien, les données apportées par la littérature scientifique, et les préférences du patient [1];[2].
Cette démarche intellectuelle et réfléchie nécessite donc de prendre le temps de rechercher les données en lien avec notre problématique, et de penser à l’application clinique possible dans la pratique quotidienne. Bien entendu il n’est pas possible de tout savoir sur les dernières avancées concernant l’ensemble des pathologies que l’on suit, mais il est essentiel de consacrer un peu de temps à explorer la littérature scientifique dans les domaines qui éveillent le plus votre curiosité, ou qui concernent une grande partie de votre patientèle, par exemple. Cela permet de se maintenir informé sur les dernières « découvertes », les façons de pratiquer qui sont sans cesse modifiées, voire totalement remises en question, de ce qui est actuellement préconisé pour telle ou telle pathologie, et ainsi de suite, tout cela vous permettant d’assurer les meilleurs soins possible à votre patient. Cette démarche fait donc partie intégrante d’une bonne pratique professionnelle. Mais il faut se concentrer sur ce qui nous intéresse le plus, trop se disperser rendrait toute tentative contre-productive. En effet énormément de publications paraissent tous les jours (même si il y en a moins dans le domaine de la physiothérapie que le domaine médical), et il n’est pas réalisable de se tenir au courant de toutes les recherches en cours, à moins peut-être d’y consacrer tout son temps!
En partant de ce constat, il faut donc savoir cibler les domaines dans lesquels le besoin d’étendre ses connaissances est le plus grand, et à force d’appliquer cette démarche, celle-ci devient plus rapide, systématique et naturelle. Le tout est de commencer. Bien sûr, une fois ces connaissances acquises, seule votre expérience et les besoins de votre patient vous permettront de les mettre en application de la meilleure façon possible :
Il faut normalement s’appuyer sur le plus haut niveau de preuve possible, et si cela n’est pas possible, sur l’évidence scientifique la mieux reliée au sujet qui nous intéresse, d’où l’importance de l’expertise du thérapeute.
Une fois cela accepté, il reste à savoir comment chercher, et surtout quoi? Tout le monde s’accorde pour dire que le plus haut niveau de preuve que l’on peut trouver dans la littérature réside dans les études systématiques avec méta-analyses. Bien entendu il n’est pas toujours possible d’en trouver selon le domaine choisi, et en fonction de notre problématique, d’autres types d’études peuvent suffire.
Dans la partie suivante, nous nous intéresserons donc aux différents types d’études recensées dans la littérature scientifique, quelles sont les informations qu’elles apportent et comment les utiliser, si cela est possible, dans la pratique quotidienne, ainsi que leur niveau de preuve. Par la suite, nous verrons quelles sont les bases de données ainsi que les différents outils d’aide à votre disposition pour effectuer une recherche.
Références :
1. Sackett DL, Rosenberg WM, Gray JA, Haynes RB, Richardson WS. Evidence based medicine : what it is and what it isn’t. British, Medical Journal, 1996 ;312:71-2. (Cet article est consultable gratuitement sur medline).
2. Duclos C., les difficultés du transfert des connaissances scientifiques à la pratique clinique: Exemple de l’utilisation des vibrations musculaires en rééducation, kinésithérapie la revue, Juillet 2010, Pages 49-54.